La plus secrète mémoire des hommes : Vers une inventivité constante.

Mohamed Mbougar Sarr tisse cette intrigue imbriquée à partir de nombreuse mise en abyme qui lui donnent l’occasion d’aborder autant de genres littéraires que de thèmes, avec un regard critique à la littérature.

Lokesh Bishnoi, étudiant à l’université EFL (Hyderabad) a écrit un grand critique littéraire du titre lauréat du Prix Goncourt 2021 : La mémoire la plus secrète des hommes de Mohamed Mbougar Saar.

Véritable trait d’union littéraire, le livre de Mohamed Mbougar Sarr embrasse l’épopée et le roman dans un même récit, ce qui résulte en un genre littéraire avec toute la complexité que de l’ambiguïté. En fond, le récit commence avec Diégane Latyr Faye, un jeune écrivain sénégalais qui découvre à Paris un livre intitulé Le labyrinthe de l’inhumain, paru en 1938 et écrit par un certain T.C. Elimane d’origine sénégalaise. Elimane, qualifié à l’époque d’un génie, est disparu d’un coup après qu’on l’a accusé de plagiat. Diégane est intrigué par le fait qu’Elimane disparaisse du monde littéraire sans laisser de trace, ni explication. Alors, il fouille les archives et interroge toute personne ayant un lien quelconque avec lui. Inévitablement, ce qui émerge est un récit fragmenté et pluraliste. Le point de départ de ce roman s’inspire de l’histoire vraie d’un écrivain malien, Yambo Ouologuem, dont ce livre fait une dédicace au début.

Le tour de force de l’auteur, c’est qu’une fois ce cadre établi, le récit suit une logique complexe avec multiple point de vue mais parfaitement cohérente. En plus, ce livre porte la réflexion sur tous les éléments qui forment la littérature : Le livre, l’écrivain, la maison d’édition, les lecteurs et les critiques. Tous ces éléments sont discutés à travers différents personnages ce qui permet à l’auteur de dresser un tableau critique, voire caustique du monde littéraire parisien. Dans ce texte, la réflexion de fond sur la littérature se déploie sur un rythme qu’on a plutôt l’habitude de trouver dans les thrillers. Si ce roman pose des questions subtiles sur la nature de littérature, c’est aussi un page-turner qui a le souci de raconter une histoire. Ou plutôt plusieurs histoires. Car chacun des personnages suit un arc narratif qui lui est propre.

En ces 457 pages, Mohamed Mbougar Sarr joue beaucoup avec les registres du langage et du genre. Il passe très rapidement de quelque chose d’intime du personnage à quelque chose de chronique sociale, du satire politique littéraire au racisme, des pages qui ressemblent à des essais philosophiques à des pages d’aventures au mysticisme, voire même au fantastique, de la colonisation au nazisme, de Dakar à Paris, en passant par Buenos Aires et Amsterdam. Ce mélange de style, et le registre de la langue varié créent une sorte de magie de ses mots. Cependant, le lecteur doit aussi se servir de nombreuses consultations de dictionnaires au fil de phrases parfois interminables.

Paru chez Philippe Rey, La plus secrète mémoire des hommes est un genre de livre qui laisse une trace sur les lecteurs. Il s’agit d’une inventivité constante, tant dans le fond que dans la forme et dans la symbolique.